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Interview

Alain Atipault Akouala : «Avec son économie diversifiée, l’île Maurice peut devenir un partenaire stratégique du Congo»

21 mai 2025, 15:30

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Alain Atipault Akouala : «Avec son économie diversifiée, l’île Maurice peut devenir un partenaire stratégique du Congo»

Alain Atipault Akouala, président de la Commission nationale d’auto-évaluation du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (IVLP).

Le Congo, riche en ressources naturelles, mais en quête de diversification économique, tend la main à Maurice. Il organise la troisième édition de la Foire des entreprises du Congo (FEC BRAZZA), dans un contexte où l’Afrique centrale s’impose de plus en plus comme une zone stratégique de développement économique et d’innovation. À l’approche d’un forum prévu le 26 mai à Port-Louis, où une délégation de chefs d’entreprises congolais est attendue, Alain Atipault Akouala, ancien ministre de la Communication et président de l’IVLP congolais, appelle à un renforcement des échanges dans plusieurs domaines.

🟢Vous avec eu deux rencontres avec le Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam. Quels ont été les points saillants de vos échanges ?

J’ai eu le privilège de rencontrer le Premier ministre, Navin Ramgoolam, fin 2010. Je venais d’être nommé ministre des zones économiques spéciales par le Président Denis Sassou Nguesso. Celui-ci avait fait de la diversification de l’économie congolaise à travers les zones économiques spéciales, l’axe principal de son programme économique. Il me donna l’instruction de me rendre à l’île Maurice, un pays à la superficie modeste, mais grand par sa capacité à avoir réussi à diversifier son économie. Il m’avait dit que le Premier ministre de ce pays, avec lequel il avait eu un entretien téléphonique, m’attendait pour me présenter l’expérience de son pays. C’est ainsi qu’après avoir visité tous les éléments centraux de l’écosystème, qui fut à la base de la success story de l’île Maurice, j’ai eu l’honneur d’être reçu en audience par le Premier ministre mauricien. Il m’expliqua méthodiquement comment ce pays, qui avait une économie agricole à faible revenu à l’accession de son indépendance en 1968, avait réussi à diversifier son économie, en développant des filières telles que l’industrie sucrière, le textile, le tourisme et les services financiers. Je tiens à lui exprimer toute ma reconnaissance infinie, car c’est lui qui m’a véritablement ouvert l’esprit à cette stratégie économique qui a révolutionné tant d’économies à l’instar de celle de la Chine.

🟢Comment qualifierez-vous aujourd’hui les relations économiques entre le Congo et Maurice ?

Je les qualifierais d’embryonnaires. Cependant, il existe un cadre juridique solide que constituent les différents accords signés par nos gouvernements et ratifiés par nos parlements respectifs. Il s’agit notamment de l’accord sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements, l’accord sur la convention fiscale, l’accord sur l’implémentation des zones économiques spéciales, l’accord sur la coopération dans les domaines de la technologie de l’information et de la communication.

🟢En quoi Maurice représente-t-il un partenaire stratégique pour le Congo ?

Maurice, avec son économie diversifiée, peut assurément devenir un partenaire stratégique du Congo, qui a un potentiel économique important. Situé en Afrique centrale, il dispose du seul port en eau profonde du golfe de Guinée. C’est la porte d’entrée des zones CEMAC et CEAC, qui représentent un marché de plus de 250 millions d’habitants. De plus, la pandémie de Covid-19 a montré les limites de la mondialisation heureuse, si bien que toutes les grandes économies ont entamé un long processus de relocalisation de leurs chaînes de valeurs et de leurs productions industrielles. Par ailleurs, l’actuelle guerre des tarifs douaniers crée l’incertitude et elle est un facteur de fragilisation de nos économies. C’est la raison pour laquelle l’île Maurice, forte de son économie moderne, et le Congo peuvent, à travers la ZLECAF, devenir des acteurs majeurs de cette orientation prospective de l’économie africaine.

🟢Quels sont les secteurs prioritaires pour les investisseurs mauriciens ?

Tous les secteurs dans lesquels l’économie mauricienne a fait preuve de sa performance, sans oublier le secteur de l’éducation et la formation professionnelle.

🟢Avez-vous identifié des projets concrets à proposer aux opérateurs mauriciens ?

Vous savez, en accord avec l’organisatrice, Laure Mboussa, l’originalité de ma communication à la Foire des entreprises du Congo porte sur le fait que je me baserai sur les études de faisabilité des zones économiques spéciales pour présenter au secteur privé les richesses potentielles du Congo. Ensuite, j’ai opté de faire un focus sur l’île Maurice, parce qu’il y a quelques années, nous avions reçu à Brazzaville des hommes d’affaires mauriciens qui avaient manifesté leur intérêt. L’objectif, au terme du forum, est de susciter l’intérêt du secteur privé congolais à faire le voyage à PortLouis pour rencontrer et découvrir la diversité économique du secteur privé mauricien. Je suis persuadé que les entreprises privées congolaises qui ont des ambitions d’expansion, mais qui sont limitées par certains paradigmes, seront intéressées. Notre rôle sera de faire en sorte qu’en fonction des secteurs d’activité, des accords de principe soient conclus sur des projets communs, ce qui permettra aux entreprises congolaises, à leur retour au Congo, de servir de sherpas pour ouvrir le chemin d’un partenariat économique, dans une logique de co-investissement. Nous les assisterons.

🟢Quelles incitations (fiscales, administratives) sont mises en place pour attirer les investisseurs ?

Il existe une Agence pour la promotion des investissements qui prévoit une batterie de mesures incitatives visant à attirer et accompagner les investisseurs. Sachez que cette agence a été mise en place avec le concours de l’expertise du Board of Investment (NdlR, devenu Economic Development Board) de Maurice.

🟢Quelles sont les priorités en matière d’infrastructures pour créer un climat favorable aux affaires ?

Depuis deux décennies des progrès considérables ont été effectués. Ce processus de modernisation doit se poursuivre dans les domaines des infrastructures routières, de l’eau, de l’énergie, de l’économie numérique et bien d’autres.

🟢Quelles opportunités pour les Mauriciens dans le secteur de l’agro-alimentaire ?

Ce secteur est hautement stratégique. C’est une grande opportunité pour le secteur privé mauricien. Il représente, en valeur absolue sur le plan des importations, près de 2,5 milliards de dollars américains par an, ce qui équivaut à 40 % des besoins alimentaires des populations congolaises et 30 % de la valeur des importations du Congo, ce qui impacte négativement notre balance commerciale. Le gouvernement développe actuellement des processus très volontaristes en impliquant les populations rurales, ce que l’on appelle les zones agricoles protégées.

🟢Le Congo compte développer le tourisme. Maurice peut-il être un modèle ou un partenaire ?

Bien sûr que votre pays peut être les deux à la fois ! Pour rappel, lors de sa visite d’état le 11 juillet 2011, au cours de son échange avec le Premier ministre, Navin Ramgoolam, le président congolais Denis Sassou Nguesso avait fortement souhaité que l’industrie touristique soit développée dans le cadre d’un partenariat avec votre pays qui est un modèle de réussite en la matière. L’objectif est que ce secteur puisse constituer 10 % de notre PIB.

🟢Quelles sont les opportunités dans le secteur minier ou énergétique ?

Elles sont considérables. Notre pays est le quatrième producteur de pétrole d’Afrique au sud de Sahara ; il y a du gaz. Sur le plan des mines solides, il y a du manganèse, de l’or, du fer, du diamant, du plomb, du cuivre, de la potasse et du zinc.

🟢Quel est l’environnement actuel des affaires au Congo ?

Il y a un travail considérable à faire dans ce domaine, dans l’intérêt du secteur privé congolais et de ceux qui viennent investir au Congo. L’expérience de votre pays nous sera utile. En ce qui concerne les réformes, le gouvernement conduit avec l’assistance des institutions de Bretton Woods des réformes qui visent à améliorer la gouvernance institutionnelle, le climat des affaires à travers la diversification des sources de croissance, en développant des zones économiques spéciales.

🟢Existe-t-il un guichet unique ou un cadre pour accompagner les investisseurs étrangers ?

Oui. C’est l’Agence pour la promotion des investissements.

🟢Envisagez-vous une coopération renforcée avec les institutions mauriciennes comme le MCCI ou l’EDB ?

Je crois d’une manière générale que le désir de renforcer notre coopération de façon transversale et multisectorielle a été réaffirmé par notre ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, lors de sa visite de travail dans votre pays en octobre 2023. Par ailleurs, il y a en perspective, la tenue de la session inaugurale de la grande commission mixte des deux pays.

🟢Quelle est votre vision d’un partenariat durable entre le Congo et Maurice ?

Le Congo se trouve en Afrique centrale au cœur du bassin du Congo, l’une des zones géographiques potentiellement les plus riches de la planète, où se joue l’avenir économique du monde, en ce début de 21e siècle, il est dirigé par Denis Sassou Nguesso, un panafricaniste de la première heure. Maurice est un pays qui a fait ses preuves en matière de gouvernance et a réussi à bâtir une économie solide et diversifiée ; elle est dirigée par Navin Ramgoolam, un homme qui croit fermement en l’intégration économique africaine. Ma conviction est que nos deux pays peuvent, au regard de l’évolution incertaine et tumultueuse du monde, établir un partenariat stratégique engageant les futures générations, conformément à l’agenda 2063 du NEPAD L’Afrique que nous voulons. C’est une forte conviction personnelle.

🟢Quel message souhaitez-vous adresser aux investisseurs mauriciens avant le forum du 26 mai ?

Rendez-vous très prochainement à PortLouis, où nous accompagnerons avec Laure Mboussa, je l’espère, une délégation de chefs d’entreprises congolais.

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