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Cannabis

À 81 ans, il veut faire tomber une loi coloniale

9 juillet 2025, 13:00

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À 81 ans, il veut faire tomber une loi coloniale

Cinquante-sept ans après l’Indépendance, Maurice est encore confrontée à des lois héritées du régime colonial britannique. Un retraité de 81 ans défie aujourd’hui une disposition datant de cette époque, qui criminalise la culture et la consommation personnelle du cannabis. Cette affaire inédite, portée devant la Cour suprême, soulève une question fondamentale : si Maurice a obtenu son indépendance, pourquoi continuer à appliquer des lois qui ne reflètent plus les valeurs et les droits fondamentaux de notre société ? La Cour suprême de Maurice s’apprête en effet à examiner une requête sans précédent. Un retraité, ancien directeur adjoint d’école, demande que soit déclarée inconstitutionnelle une disposition de la Dangerous Drugs Act (DDA) qui criminalise la culture du cannabis, même pour un usage strictement personnel. Représenté par Mᵉ Anshi Pillay Cootthen, le plaignant affirme que cette interdiction porte atteinte à ses droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté, à l’autonomie personnelle et à la protection de la loi. L’affaire, appelée le 7 juillet, a été renvoyée au 21 juillet pour être entendue sur le fond.

«Je ne fais pas de trafic. Je cultive chez moi pour soulager mes douleurs, en infusion ou en pâte. Je ne veux ni être puni ni être privé de mon droit de disposer librement de mon corps», déclare le plaignant. Selon les documents déposés en cour, il ne consomme ni alcool ni tabac. Il affirme avoir découvert les bienfaits du cannabis à travers des recherches médicales et scientifiques, et en consommer occasionnellement à domicile pour apaiser ses douleurs dorsales liées à son travail aux champs. Il insiste : sa consommation est strictement personnelle, discrète et ne cause aucun tort à autrui. Pourtant, en vertu de l’article 30(1)(e) de la DDA, il risque jusqu’à 25 ans de servitude pénale.

Untitled design.png Le plaignant, représenté par Mᵉ Anshi Pillay Cootthen, affirme que cette interdiction porte atteinte à ses droits fondamentaux. L’audience est prévue pour le lundi 21 juillet.

Mᵉ Anshi Pillay Cootthen explique que cette plainte vise à faire reconnaître que la section 30 de la DDA est anticonstitutionnelle. Elle souligne que cette loi ne fait pas de distinction entre usage personnel, usage thérapeutique et trafic, ni entre les lieux de consommation. «Nous demandons à la cour de déclarer que le droit à la liberté inclut le droit de consommer du cannabis chez soi, à condition que cela ne nuise pas à autrui, comme c’est reconnu dans plusieurs juridictions, notamment en Afrique du Sud et aux États-Unis», précise-t-elle.

Elle rappelle également que les recherches menées par Prevention information lutte contre le sida ont démontré qu’il n’existe pas de lien prouvé entre consommation de cannabis et passage aux drogues plus dures. Par ailleurs, le ministère de la Santé a confirmé qu’aucun décès n’a été imputable au cannabis, contrairement à plus de 200 décès liés à l’alcool. L’avocate souligne que la loi actuelle crée une présomption irréfragable de culpabilité dès qu’un plant de cannabis est découvert, ce qui empêche la justice de différencier les cas, et cela va à l’encontre des principes constitutionnels de protection et d’équité.

Ainsi, pour la première fois dans l’histoire judiciaire mauricienne, un citoyen remet en cause la constitutionnalité de l’interdiction du cannabis à usage personnel. La plainte soulève plusieurs arguments juridiques majeurs.

Violation du droit à la liberté : la défense invoque le droit à l’autonomie corporelle, incluant la liberté de choix personnel dans la sphère privée.

Atteinte au principe de séparation des pouvoirs : la DDA impose une présomption automatique de trafic dès qu’un plant de cannabis est cultivé, sans laisser au juge la possibilité d’apprécier l’intention ou le contexte.

Atteinte à la protection de la loi : La loi crée une présomption irréfragable de culpabilité, contraire aux droits garantis par l’article 3 de la Constitution.

L’interdiction du cannabis remonte à 1840 sous l’administration britannique, à une époque où la consommation de gandia était courante parmi les travailleurs engagés venus d’Inde. L’argument d’un usage entraînant désordre et danger public est, selon le plaignant, dépassé et infondé. Il s’appuie notamment sur le rapport de la Commission Lam Shang Leen (2018), qui recommandait la dépénalisation du cannabis, soulignant son innocuité relative et l’absence de décès recensés suite à sa consommation.

Si la Cour suprême conclut que cette disposition légale est incompatible avec la Constitution, ce jugement pourrait créer un précédent historique. Il relancerait le débat national sur la régulation du cannabis à Maurice, dans un contexte où l’interdiction absolue est de plus en plus contestée à l’échelle mondiale. Le rendez-vous est fixé au lundi 21 juillet, à 9 h 30, pour ce qui pourrait bien être un moment charnière dans l’histoire du droit mauricien.

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