Publicité
Licenciement
1765 personnes laissées sur le carreau : les syndicats appellent à un sursaut d’humanisme du gouvernement
Par
Partager cet article
Licenciement
1765 personnes laissées sur le carreau : les syndicats appellent à un sursaut d’humanisme du gouvernement

■ Ils ont été nombreux vendredi à être mis devant le fait accompli : ils ne seront plus employés car le ministère des Collectivités locales a résilié leur contrat.
C’est une onde de choc qui a secoué le pays en ce vendredi. L’annonce est tombée comme une massue : 1 765 personnes recrutées dans les collectivités locales se sont vu remettre leur lettre de licenciement. Motif : leur embauche, effectuée dans la précipitation, juste avant les dernières élections municipales, serait entachée d’irrégularités selon le nouveau ministre des Collectivités locales, Ranjiv Woochit. Une décision brutale qui soulève l’indignation dans les rangs syndicaux, où l’on dénonce une atteinte à la dignité humaine et aux droits fondamentaux des travailleurs.
«C’est la douche froide pour des centaines de familles», commente d’un ton grave Ashvin Gudday, négociateur au sein de la General Workers Federation (GWF). Selon lui, il ne s’agit pas seulement d’un problème administratif, mais d’un drame humain. «L’emploi, c’est la dignité de chaque individu. Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est une série de contradictions dans les décisions du gouvernement.»
La Local Government Service Commission (LGSC), organe chargé des recrutements dans les conseils municipaux et de district, est au cœur de cette tempête. Les embauches litigieuses, intervenues à la veille des élections, donnent lieu aujourd’hui à un jeu de renvoi de responsabilités. Si le ministre Woochit promet la création de 3 000 nouveaux postes dans un avenir proche, cette annonce n’apaise en rien la colère et la frustration de ceux qui viennent de tout perdre.
«The tip of the iceberg»
Pour Ashvin Gudday, ce scandale n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il cite d’autres cas récents de licenciements arbitraires : des travailleurs du casino – notamment des trainee dealers – ou encore des employés du Grand Casino de Maurice toujours en attente de justice, alors que leur dossier traîne devant les tribunaux. À cela s’ajoute le licenciement de cinq personnes au sein de la Financial Services Commission (FSC). «Le point commun entre tous ces cas ? Une même logique de précarité, de contrats flous, rédigés de manière à rendre les travailleurs jetables.» Le syndicaliste dénonce aussi l’usage abusif de périodes dites «de probation» : «Ce terme n’existe même pas vraiment dans la loi. Des personnes travaillent six mois, puis on leur dit que leur contrat ne sera pas renouvelé, sans explication valable. Ce sont des pratiques qui piétinent les droits des travailleurs.» Derrière ces décisions se cache, selon lui, une logique électoraliste : «On a utilisé des emplois publics comme appât électoral. Maintenant que les élections sont passées, on les jette.»
Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’un marché du travail marqué par l’insécurité, la précarité et l’exode des talents. «Dans le privé, les conditions sont telles que de nombreux travailleurs cherchent à fuir vers le secteur public, en quête de stabilité. Et quand cela devient impossible ici, ils partent à l’étranger. Ceux qui restent sont remplacés par une main-d’œuvre étrangère surexploitée.»
Ashvin Gudday lance un appel clair : il faut cesser ces pratiques pour restaurer la sérénité dans le monde du travail. «Le véritable changement passera par une volonté politique de s’attaquer à la précarité qui gangrène le pays.»
Autre voix forte qui s’élève contre cette décision : Stéphane Maurymoothoo, président du Regroupeman Artisan Morisien, qui dénonce une injustice criante : «Li inposib touletan se bann ti dimounn ki fer le fre. Kifer bizin met sa bann travayer manuel-la deor ?» Selon lui, les collectivités locales souffrent déjà d’un manque criant de personnel. Il s’interroge donc : Par qui ces 1 765 travailleurs seront-ils remplacés ?
Un appel à la régularisation
Avec colère et amertume, il qualifie cette vague de licenciements de «crime contre les plus pauvres».«Je suis contre cela, je trouve que c’est un crime moral. Est-ce que le gouvernement a la légitimité morale pour agir ainsi ? Si popilasyon ti ena capasite koze, ti pou fini tir zot..»
Même son de cloche du côté du National Trade Union Congress (NTUC). Son président, Narendranath Gopee, insiste sur la nécessité d’une approche plus humaine : «Certes, les recrutements ont été jugés illégaux par le bureau de l’Attorney General. Mais il y a aussi une dimension morale à considérer.» Il propose une alternative : la régularisation des contrats, plutôt qu’un licenciement massif. «Ce n’est pas une seule personne que l’on met à la porte, c’est toute une famille qui est impactée. On ne peut pas prôner la lutte contre la pauvreté tout en contribuant à l’augmenter.»
Il rappelle que le ministre Woochit a évoqué la possibilité pour ces personnes de postuler à nouveau, à condition que les postes soient dûment annoncés. «Mais dans l’intervalle, que fait-on ? Comment ces familles vont-elles subvenir à leurs besoins ?»
Le syndicaliste appelle directement le Premier ministre à intervenir : «Que le PM conseille son ministre et trouve une issue humaine à cette crise. Il en va de la crédibilité du gouvernement, et surtout, du bienêtre de 1 765 foyers.»
Paul Bérenger, Premier ministre adjoint, présent lors d’une visite à Jin Fei hier, a souligné que les contrats des employés étaient illégaux et que l’emploi était prévu comme temporaire.
«C’est impossible, dans un État de droit, d’employer des personnes de cette façon. Désormais, avec le nouveau budget et les nouveaux postes de recrutement, les embauches se feront conformément à la loi.»
Entre promesses politiques non tenues, procédures douteuses et conséquences humaines bien réelles, le gouvernement est aujourd’hui face à un dilemme moral. Peut-il faire abstraction de l’impact social de sa décision sous prétexte d’irrégularité administrative ? Les syndicats, eux, ont déjà tranché. Et ils sont nombreux à espérer que l’humanisme l’emportera sur la rigidité.
«Notre moral est à terre… Nous attendons des réponses»
Larmes aux yeux, voix tremblante, elle serre encore dans ses mains la lettre qui a bouleversé sa vie. Cette jeune maman, employée à la mairie de Quatre-Bornes depuis le 9 août dernier, se dit «brisée» :«C’est un retour à la case départ. Vingt-quatre heures après avoir reçu cette lettre, je suis stressée, mal… rien ne va.»
Comme elle, des centaines d’employés contractuels affectés aux mairies et conseils de district ont été brutalement licenciés cette semaine. À Quatre-Bornes, Vacoas-Phoenix, Moka, GrandPort, Savanne ou encore Pamplemousses, la colère monte. Ces femmes et ces hommes, embauchés via une procédure formelle sous l’égide de la Local Government Service Commission (LGSC), dénoncent une vague de licenciementsinjustifiée, soudaine, et profondément choquante.
«Ce matin, nous sommes venus travailler comme d’habitude, à 7 heures. Le département des ressources humaines nous a convoqués… Et là, surprise : une lettre de licenciement. La direction nous dit que la décision vient d’en haut. Notre moral est à terre», confie un employé du conseil de district de Grand-Port.
Ajay, lui, raconte son parcours : «J’ai postulé en 2023, passé un entretien en janvier 2024, et commencé le travail en septembre. Voilà maintenant huit mois… et aujourd’hui on nous remercie sans explication.»
Certaines clauses contractuelles évoquent une limite de six mois, mais beaucoup d’entre eux ont déjà largement dépassé cette période. Pour la jeune employée de Quatre-Bornes, apolitique et motivée, le choc est d’autant plus dur :«Personne ne nous avait avertis. Même le maire semblait désemparé. Les gens nous appréciaient… et pourtant, tout notre groupe a reçu cette lettre hier.»
Le sentiment partagé ? L’abandon. Des familles laissées sans revenu du jour au lendemain, sans préavis, sans perspectives. «Et maintenant, que fait-on ? Comment vivre sans rien ?», s’indigne un autre ancien employé. Dans l’attente d’explications officielles, tous n’ont qu’un seul espoir :retrouver un emploi, reconstruire leur quotidien… et comprendre pourquoi.
Publicité
Publicité
Les plus récents




